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Catherine Le Magueresse, juriste : « Si l’on veut mieux définir le viol, il faut changer de paradigme et se défaire de la présomption de consentement »

Catherine Le Magueresse est juriste et chercheuse associée à l’Institut des sciences juridiques et philosophiques de la Sorbonne. Ancienne présidente de l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail, elle a notamment écrit Les Pièges du consentement (iXe, 2021).
Les luttes féministes des années 1970 ont joué un rôle déterminant pour que soient dénoncés le viol, sa définition juridique et son traitement judiciaire. En 1978, Gisèle Halimi fait du « procès d’Aix » un procès politique et révèle au grand public les insuffisances dans la prise en charge juridique du viol. Cette séquence entraîne, deux ans plus tard, le vote de la loi du 23 décembre 1980, qui définit le viol comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, sur la personne d’autrui par violence, contrainte ou surprise ». La menace sera ajoutée en 1992. Cette loi réaffirme que le viol est un crime, intègre la jurisprudence antérieure dans le code pénal et élargit la définition du viol. Désormais sont qualifiables de viol, les viols sur des hommes commis par des femmes, les viols conjugaux et les viols dans lesquels l’acte de pénétration est autre qu’un « coït » (fellation, sodomie et les cas de pénétration avec des doigts ou autres types d’objet).
Avant 1980, le crime de viol n’était pas défini par le code pénal, mais uniquement par la jurisprudence. Il était alors défini comme un « coït illicite commis avec violence » par le Traité théorique et pratique du droit pénal français. A partir du milieu du XIXe siècle, la Cour de cassation, confrontée à des cas où l’agresseur n’avait pas eu recours à la violence, mais à d’autres stratagèmes, avait jugé qu’un viol pouvait aussi être commis par « contrainte » ou « surprise ».
Oui. Les juristes sont tenus par un code pénal d’interprétation stricte dans lequel il y a viol seulement s’il y a « violence, contrainte, menace ou surprise ». Les magistrats se retrouvent donc dans l’incapacité de condamner de nombreux cas de violences sexuelles, qui échappent à ces quatre circonstances. Ainsi des cas où la victime a dit « non », mais ne s’est pas débattue et a subi l’agression. Ainsi des cas où la victime était sidérée ou paralysée et n’a rien dit. Ainsi des cas où la victime connaissait l’agresseur – 91 % d’entre elles en 2017, d’après un rapport de l’Assemblée nationale – et a été forcée par des moyens de coercition plus insidieux.
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